- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

La défense cuisine le père de l’enfant soldat

Les avocats de Thomas Lubanga ont poursuivi le contre-interrogatoire du père d’un ex-enfant soldat vendredi en le cuisinant sans relâche pour déterminer comment il avait appris que son fils de 11 ans avait été kidnappé et envoyé dans un camp d’entraînement de la milice de Lubanga.

« Combien de fois vais-je devoir vous le répéter ? », s’est plaint le témoin anonyme, visiblement de plus en plus agité au fil de la journée.

« Vous passez en effet la question à la Moulinette… », a déclaré le juge président Adrian Fulford à Marc Desalliers, l’un des avocats de Lubanga.

Le témoin est le père de l’enfant anonyme qui est brutalement revenu sur ses déclarations la semaine dernière en cours d’interrogatoire en laissant entendre qu’on lui avait indiqué les propos à tenir.

Le père a déclaré mercredi aux procureurs qu’il avait également été soldat dans la milice de Lubanga et garde du corps personnel de l’accusé dans la ville de Bunia à l’époque de l’enlèvement de son fils dans leur village fin 2002.

Tout comme lors des dépositions de mercredi et jeudi, le public ne pouvait voir le témoin, son visage et sa voix étant déformés numériquement.

Il a signalé avoir appris que son fils avait été emmené dans un camp d’entraînement après avoir rencontré un marchand de son village sur le marché de Bunia.

Lorsque Desalliers lui a demandé si le marchand avait fourni des détails sur l’enlèvement de son fils, le témoin a répondu que celui-ci avait seulement « entendu » parler de ce qui s’était passé.

« L’enfant ne lui a pas parlé », a poursuivi le témoin. « Comment un marchand pourrait-il connaître tous ces détails selon vous ? Tout le monde savait que mon fils était à Bule. C’était un secret de polichinelle ».

Desalliers a ensuite interrogé le témoin sur sa décision de quitter la milice – faisant de lui un déserteur – dans le but de retrouver son fils et de le retirer du camp d’entraînement.

« Pourquoi n’avez-vous pas demandé la permission de partir avant de prendre une mesure aussi radicale ? »

« Votre travail est différent. Vous ne pouvez donc pas comprendre comment cela fonctionne dans l’armée », a répondu le témoin. « Si j’avais posé la question, qu’est-ce que mon chef aurait pensé selon vous ? Que je ne veux pas que mon fils intègre l’armée ? J’avais peur. Je ne voulais pas être tabassé ».

Desalliers s’est enquis de savoir s’il n’avait pas eu peur de rejoindre le camp d’entraînement à Bule puisqu’il venait de déserter la milice.

« Dans le camp de Bule, j’avais mes amis », a répondu le témoin. « Je ne pouvais pas avoir peur de mes amis ».

Le témoin n’a pu terminer son témoignage en raison de problèmes techniques qui ont par ailleurs retardé le procès de près de deux heures vendredi.

Le juge a demandé un rapport « complet et exhaustif » sur le problème, indiquant à la cour que les conséquences du retard du jour étaient assez considérables.  

La defense envisage de conclure le contre-interrogatoire lundi.