- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Voix du people – Voxpops de Kashugho en RDC

NOTE DU REDACTEUR : Chers lecteurs, voici de nouvelles “Voix du Peuple” que nous apportent nos amis de la Radio Interactive pour la Justice.  Aujourd’hui, leur voxpops vient de Kashugho au Nord Kivu en République Démocratique du Congo. C’est le second de nos épisodes réguliers de l’IRfJ – J’espère que vous allez l’aimer (vous pouvez également écouter ici la version audio en français : http://www.irfj.org/2010/03/1-citzens-in-kasugho-are-asked-on-the-street-questions-about-the-icc/ [1])  

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Présentateur : Chers auditeurs, bonjour et bienvenue à cette Vox Pop sur la justice internationale. Cette émission est produite par Tayna Radio, en collaboration avec la Radio Interactive pour la Justice, et se propose de se concentrer sur vos préoccupations en matière de justice. Plus spécifiquement, les émissions Vox Pop vont se focaliser sur le fonctionnement de la Cour Pénale Internationale. On a posé des questions à un groupe d’auditeurs de la Radio-TV communautaire Tayna. Leurs réponses nous permettront de savoir quelle est votre compréhension de la justice internationale. C’est aussi, chers auditeurs, pour vous une bonne occasion de partager vos connaissances avec vos prochains. Comme vous le remarquerez, nous demandons à des experts d’intervenir et de répondre à vos questions afin de vous aider à mieux comprendre ce qui se passe dans ces procès internationaux. En République Démocratique du Congo, ces questions sont tout à fait appropriées. Comme vous le savez, quatre congolais ont été arrêtés et sont à La Haye pour répondre de leurs actes devant la justice. On n’a pas oublié la province du Nord Kivu, là où le conflit a eu lieu. Des crimes semblables à ceux commis en Ituri sont toujours perpétrés dans cette province. C’est pour quoi nous pensons que nos questions/réponses sur la justice internationale seront probablement d’un grand intérêt pour vous.

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Journaliste : Afin d’évaluer le niveau de connaissance de nos auditeurs en ce qui concerne des personnalités spécifiques telles que Thomas Lubanga, Matthieu Ngudjolo, Germain Katanga, Jean Pierre Bemba Gombo, Omar Hassan El-Beshir, nous avons conduit une séance de questions/réponses avec des étudiants de l’Université of Kasugho, USNDK. Ecoutons maintenant la réaction du premier étudiant :

–        1er étudiant : Les hommes dont vous parlez ont commis des crimes contre l’humanité, ce qui signifie qu’ils ont tué, violé, et on sait même que d’autres ont fait du cannibalisme.

–        2ème étudiant : En ce qui concerne ces Patriotes Congolais, la première chose que je peux dire c’est qu’il y a eu de la violence ; ils ont été instigateurs de violence à l’égard de la population congolais. C’est un crime grave que nous ne pouvons pas soutenir.

–        3ème étudiant : Je ne sais pas vraiment car je ne m’intéresse pas à la politique.

–        4ème étudiant : L’idée principale c’est qu’ils sont accusés de crime contre l’humanité. En fait, ils sont [sic] présumés coupables de ces crimes. Je peux donner le détail des crimes qu’ils ont commis. Par exemple, pour Thomas Lubanga, il est accusé d’enrôlement d’enfants mineurs dans son groupe armé. Quant à Matthieu Ngudjolo, je crois qu’il est accusé de crimes tels que le massacre de jeunes garçons, l’incendie d’un village, etc. à peu près dix kilomètres de Kasenyi, sur le Lac Albert. C’est de cela qu’il est accusé. En ce qui concerne Jean-Pierre Bemba, il s’agit de massacres, vols et pillage commis par ses troupes en République Centrafricaine.

Journaliste : Bonjour mademoiselle. Que savez-vous de Thomas Lubanga, Germain Katanga, Jean-Pierre Bemba, Matthieu Ngudjolo, et aussi Omar Hassan El Bashir? Avez-vous une quelconque connaissance de ces personnalités?

–        5ème étudiant : Bonjour monsieur. Oui, ce que je sais c’est que ces gens sont des rebelles congolais et [sic] Albert c’est le président du Soudan. Ces quatre congolais sont maintenant en état d’arrestation à la Cour Pénale Internationale, CPI.

–        6ème étudiant : Ce que je sais, tout ce que je sais sur ces gars c’est qu’ils sont poursuivis pour crime contre l’humanité.

–        7ème étudiant : En réalité, je ne connais rien de ces gens.

Journaliste : Concernant la même question, on n’a pas oublié le village de Kasugho ; nous avons visité son marché central avec notre micro baladeur. Nous aurions commis une grave erreur si nous nous ne nous étions pas enquis du niveau de connaissances des habitants sur ces différentes personnalités. Ecoutons-les donc :

Journaliste : Que savez-vous de Thomas Lubanga, Germain Katanga, Jean-Pierre Bemba, Matthieu Ngudjolo, et aussi Omar Hassan El Bashir? Avez-vous une quelconque connaissance de ces personnalités?

–        1er interviewé : Ces gens ont violé les droits de l’homme et la plupart d’entre eux ont enrôlé des enfants dans leurs mouvements politico-militaires. Par exemple, Jean-Pierre Bemba est actuellement en détention ainsi que Matthieu Ngudjolo et Germain Katanga. Ils sont actuellement tous à La Haye.

–        2ème interviewé : Les personnes que vous avez citées, je les connais comme politiciens et président. De toutes les façons, je les connais comme étant des politiciens.

–        3ème interviewé : J’ai une idée de qui ils sont. En ce qui concerne Germain Katanga, Ngudjolo et Jean-Pierre Bemba, tout ce que je sais c’est qu’ils ont enrôlé des enfants dans l’armée, donc ils ont travaillé avec des enfants dans l’armée.

Journaliste : Bonjour, monsieur. Que savez-vous de Thomas Lubanga, Germain Katanga, Jean-Pierre Bemba, et aussi Matthieu Ngudjolo et Omar Hassan El Bashir?  

–        4ème interviewé : Je sais qu’ils sont actuellement en détention à la Cour Pénale Internationale. A ce jour, El Bashir _ El Bashir est recherché, il y a un mandat d’arrêt lancé contre lui par la Cour Pénale Internationale, mais il n’a toujours pas été arrêté.

–        5ème interviewé : Ces hommes ont commis des crimes contre l’humanité. Voila ce qu’ils ont en commun. C’est probablement la cause de leur, huh, de leur transfert à La Haye pour qu’ils soient interrogés.

        6ème interviewé : Parmi ces gens, je peux vous dire que je n’en connais qu’un seul, est c’est Jean-Pierre Bemba. On a entendu dire qu’il s’est livré au cannibalisme. Sinon, je ne sais rien d’autre.

–        7ème interviewé : Je sais seulement que ces gens ont été arrêtés et transférés à La Haye parce qu’ils ont commis un crime contre l’humanité. Mais ce qui me surprend le plus, c’est qu’on a laissé leurs complices, si je peux les appeler ainsi, tels que les autres dirigeants congolais qui ont commis les mêmes crimes.

–        8ème interviewé : Ce que je sais d’eux c’est que ce sont des ressortissants congolais. Vous savez, pour accéder au pouvoir, en particulier au Congo, il faut toujours créer une rébellion. J’ai le sentiment qu’ils sont assoifés de pouvoir.  

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Jeanne Pierre, journaliste d’IRFJ pose ses questions – Kasugho

Journaliste: Ce serait aussi une grave omission que d’oublier le village de Kaheri. Nous avons aussi effectué des enquêtes sur le terrain. Ecoutons maintenant la réaction des auditeurs de Kaheri à notre Vox Pop.

Journaliste: Que savez-vous de Thomas Lubanga, Germain Katanga, Jean-Pierre Bemba, Matthieu Ngudjolo, et aussi Omar Hassan El Bashir? Avez-vous une quelconque connaissance de ces gens?

 –        9ème interviewé: Non, aucune idée.

–        10ème interviewé: Je connais certaines choses sur Jean-Pierre Bemba. Tout d’abord, je sais que Jean-Pierre Bemba était le premier vice-président de la République Démocratique du Congo au cours de la Transition et que pendant les élections, il était candidat à la présidence.

Journaliste : Après avoir écouté les différents commentaires de la population sur la première question de notre Vox Pop concernant le niveau de connaissance des populations pour ce qui est de personnalités telles que Thomas Lubanga, Germain Katanga, Jean-Pierre Bemba, Matthieu Ngudjolo, Omar Hassan El Bashir, écoutons maintenant les précisions fournies par le Procureur de la Cour Pénale Internationale, CPI, M. Luis Moreno Ocampo:

–        Tous ces hommes sont suspectés d’avoir commis des crimes à grande échelle. Nous sommes intervenus et nous avons lancé un mandat d’arrêt international contre chacun de ces hommes. Notre intervention consiste à nous assurer que des poursuites sont engagées contre ces hommes et que les victimes sont assistées, protégées et respectées. Les gens accusés par la Cour Pénale Internationale sont : le Président Omar El Beshir, en tant que chef de l’état du Soudan, qui a attaqué des millions de ses propres citoyens. Thomas Lubanga, le dirigeant de la communauté Hema en Ituri et président de l’Union des Patriotes Congolais, ou UPC. Germain Katanga et Matthieu Ngudjolo, dirigeants de différents groupes: le FNI et le FRPI. Et Jean-Pierre Bemba, président du MLC, ou Mouvement pour la Libération du Congo, et ancien vice-président de la République Démocratique du Congo, est poursuivi pour viols systématiques et à grande échelle commis en République Centrafricaine. Il y a aussi Joseph Kony, dirigeant du groupe LRA, ou Armée de Resistance du Seigneur.

Journaliste : Pour cette seconde question, nous avons suivi la même méthode que pour la première. Cependant, nous nous focalisons maintenant sur le degré de connaissance de nos auditeurs concernant les crimes que les sujets de l’enquête ont en commun. Ecoutons l’enquête que nous avons effectuée chez les étudiants de l’USNDK.

–        1ème étudiant : Ce qu’ils ont en commun avec El Bashir c’est qu’ils ont commis des crimes de guerre contre l’humanité. C’est une question d’actualité. Vous comprenez qu’étant donné l’état de guerre actuel au Darfur, il se dit que le Soudan va éclater, car on entend parler de  Nord Soudan et Sud Soudan, et tout ce qui s’y passe c’est des crimes : des crimes de guerre contre l’humanité.

Journaliste : Quel crime ont-ils en commun?  

–        2ème étudiant : Ils sont tous accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, ainsi que d’enrôlement de jeunes enfants dans l’armée.

–        3ème étudiant : Le crime qu’ils ont en commun c’est l’instigation à la violence dans le pays. On est tous d’accord là-dessus. Mais nous exigeons qu’ils réfléchissent à cette question car à chaque fois qu’il y a une affaire à la CPI, ça a quelque chose à voir avec des congolais, ça concerne des congolais, c’est très grave. Par exemple ici, au Congo-Brazza _ huh, en République Centrafricaine _ le président, eh bien, l’ancien président, Angel Félix Patassé est actuellement bien gardé par son président, tellement bien gardé qu’il ne peut plus être touché par la CPI. Alors nous pensons que si notre président pouvait faire la même chose, ce serait bien pour nous.

–        4ème étudiant : Les crimes qu’ils ont en commun, c’est qu’ils ont commis des crimes ça et là. C’est pourquoi certains d’entre eux finissent maintenant en Hollande, où ils vont devoir faire face aux conséquences des actes qu’ils ont commis pendant leur parcours.

–        5ème étudiant : Crimes en commun? Ces gens sont accusés de crime contre l’humanité. Il y a eu des violations des droits de l’homme, du pillage, des viols, et autres crimes tels que l’enrôlement de jeunes enfants dans l’armée.

Journaliste : Avec toujours cette même préoccupation, nous avons aussi visité Kasugho, où nous avons rendu visite à des auditeurs qui ont bien voulu exprimer leur opinions sur la question du jour. Ecoutons-les:

Journaliste: Quel crime sont-ils tous accusés d’avoir commis?

–        1er interviewé : Ils sont accusés d’avoir violé les droits de l’homme, d’avoir mené une guerre non justifiée. Jean-Pierre Bemba a été arrêté pour les actes de ses hommes. Son armée a violé des femmes et volé les biens de populations vivant paisiblement en RCA. Pour ce qui concerne le président El Beshir du Soudan, vous savez qu’il y a une guerre au Sud Soudan, où les Janjaweed font la guerre, et le président El Beshir ne respecte pas les règles conventionnelles, règles reconnues dans le monde entier sur la façon dont les hostilités doivent être menées.

–        2ème interviewé: Pour ce qui est du crime commun, je peux dire qu’il doit s’agir de l’utilisation de jeunes enfants dans leurs armées. Je crois que c’est le crime qu’ils ont tous commis.

–        3ème interviewé: Le crime qu’ils ont commis, c’est qu’ils ont tué et perpétré des crimes contre l’humanité, en bref.

–        4ème interviewé: Ce qu’ils ont en commun c’est qu’ils ont commis des crimes contre l’humanité.

Journaliste: De quels crimes sont-ils accusés?

–        5ème interviewé: Tous sont accusés d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, ainsi que d’avoir enrôlé des jeunes enfants dans l’armée.

–        6ème interviewé: Je sais que ces personnes dont vous parlez ont tous été transférés à La Haye. Ce qu’ils ont en commun c’est qu’ils ont tous commis des crimes contre l’humanité.

–        7th interviewé: Toutes ces personnalités ont en commun le fait qu’ils ont commis des crimes. Ces gens ont massacré la population, si je puis dire. Ils ont commis des crimes contre la population.

Journaliste: Ainsi que nous vous l’avons indiqué plus haut, nous avons demandé à des experts de nous apporter des éclaircissements à ces réponses recueillies auprès de la population. Pour ce qui concerne la réponse à la deuxième question, nous avons contacté la même personnalité qui nous a fourni des détails sur la première question, Mr. Luis Moreno Ocampo, Procureur de la Cour Pénale Internationale, ICC.

–          Ce que ces gens ont en commun, c’est qu’ils ont commis des crimes à grande échelle contre les populations du Darfur, de la RDC, de la RCA ainsi que du nord de l’Ouganda. Lubanga, Ngudjolo, Katanga et Bemba ont déjà été arrêtés par la Cour. Ils se trouvent maintenant à La Haye et leurs procès respectifs ont débuté. Le procès de Jean-Pierre Bemba va bientôt commencer. Les accusations qui pèsent sur Thomas Lubanga concernent l’utilisation d’enfants comme soldats pour combattre, tuer et violer. Quant à Matthieu Ngudjolo et Germain Katanga, ils sont accusés d’avoir détruit le village de Bogoro, et d’avoir commis des crimes de guerre, et des crimes contre l’humanité, notamment meurtres, viols et pillage. Jean-Pierre Bemba est accusé de plusieurs crimes de guerre et crimes contre l’humanité, en particulier viol et pillage. Le président Beshir est en fuite. La CPI l’accuse de crime contre l’humanité et de crimes de guerre et nous débattons actuellement de la nécessité d’y inclure l’accusation de génocide.

Outre ces cinq mandats d’arrêt dont je viens de parler, il y a huit autres mandats d’arrêt qui ont été lancés par la Cour. Il s’agit de : Bosco Ntaganda, pour crimes commis en Ituri ; Joseph Kony et quatre autres dirigeants de la LRA, pour crimes à grande échelle commis en Ouganda. Au Darfur, en plus du mandat d’arrêt contre le président El Beshir, nous poursuivons l’ancien ministre Ahmed Harun ainsi que le dirigeant de la milice Janjaweed, Ali Kushayb, qui sont aussi accusés de crime contre l’humanité et de crimes de guerre. La communauté internationale nous a donné mandat de rendre justice à ceux qui ne sont pas protégés, justice à ceux qui ne peuvent pas présenter leur témoignage devant d’autres cours et tribunaux, justice aux victimes de crimes en the République Démocratique du Congo, justice pour les victimes de crimes en République Centrafricaine, justice aux victimes du Darfur et aux victimes du nord de l’Ouganda. Notre message c’est que nous écoutons les victimes, nous travaillons pour les victimes. Quant aux criminels et tous ceux qui se croient au-dessus de la loi, ils devront répondre de leurs actes. Il y aura une justice pour ces victimes.

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Présentateur : C’était Vox Pop sur la justice internationale, qui vous a donné l’occasion d’écouter et de connaître la compréhension qu’ont vos concitoyens de cette question. Vous avez aussi pu écouter les explications fournies par les autorités compétentes en ce qui concerne toutes les préoccupations que vous avez pu avoir. Nous remercions tous les auditeurs qui ont bien voulu répondre à nos questions, ainsi que les autorités qui ont accepté de contribuer à la production de ce magazine. Permettez-moi de vous rappeler que ce magazine est né du partenariat entre la Radio-TV communautaire Tayna et la Radio Interactive pour la Justice. Vous pouvez suivre ce magazine sur nos fréquences à Kasugho ou à Goma, ainsi que sur internet à  www.irfj.org [3]. Ce magazine vous a été présenté par Jean-Pierre Kasere Kamatumo et la mise en onde est de Trésor Issé. Vous pouvez aussi nous écouter en Swahili, le jeudi 18 mars 2010, de 17:10 à 17:30.