- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Le témoin insiste : Thomas Lubanga n’était pas un chef militaire

Le procureur Olivia Struyven a procédé au contre-interrogatoire du chef de milice Bede Djokaba Lambi Longa, qui a témoigné pendant quatre jours au procès de Thomas Lubanga. M. Lubanga est accusé de recrutement, conscription et utilisation d’enfants soldats dans la région de l’Ituri en République démocratique du Congo (RDC) en 2002 et 2003. Les questions de Mme Struyven visaient à obtenir du témoin qu’il admette que l’Union des patriotes congolais (UPC) était un mouvement aussi bien militaire que politique, et que Thomas Lubanga en a été à la fois le chef politique et militaire. M. Longa a insisté sur le fait que ce n’était pas vrai.

En 2000, un groupe d’officiers et de soldats de l’Armée du peuple congolais (APC, l’aile militaire du Rassemblement congolais pour la démocratie, Kisangani Mouvement de Libération (RCD-K-ML)) se sont mutinés. M. Longa a témoigné au sujet de la crainte de l’instabilité au cas où les mutins attaqueraient la ville de Bunia. M. Lubanga s’est rendu avec une délégation de personnalités de la région en Ouganda, pays qui occupait alors la région, pour les exhorter à dissuader les mutins d’attaquer la ville. Le témoin a insisté sur le fait que M. Lubanga ne représentait pas les mutins, bien qu’en août ils aient décidé de lui donner le contrôle de l’Ituri. Bien que les mutins aient été transportés en Ouganda pour y subir une formation, il a dit qu’il ne savait pas s’ils avaient reçu cette formation, ce qui veut dire que l’Accusation devrait interroger les Ougandais à ce sujet. M. Longa a nié avoir eu une connaissance directe des événements, affirmant qu’il a tiré ses informations des médias.

L’UPC a été créé en septembre 2000, selon le témoin, mais il n’y avait aucun lien entre cela et la révolte. L’un des mutins, Floribert Kisembo, est devenu chef d’Etat-major de la milice de l’UPC. Beaucoup d’autres se sont également retrouvés dans l’UPC.

L’Accusation a tenté de questionner M. Longa sur un certain nombre de documents qu’elle a notifiés à l’avocat de la défense pendant le week-end. Mme Struyven a expliqué qu’ils n’avaient obtenu les documents qu’après la clôture de la plaidoirie de l’Accusation. En outre, jusqu’à une époque récente, ils ne semblaient pas pertinents. Néanmoins, la communication tardive des documents a empêché aux avocats de la défense d’en discuter avec leur client. Tout en permettant à l’Accusation de continuer, le juge Adrian Fulford a accordé à la défense le temps de s’entretenir avec M. Lubanga sur les documents demain après-midi. La présentation des documents aujourd’hui a été source de confusion et a incité le juge Fulford à intervenir à plusieurs reprises pour maintenir le contre-interrogatoire dans des limites appropriées.

L’un de ces documents était la transcription d’un message radio de Thomas Lubanga datant de septembre 2002, où on lui fait dire : « Le combat que nous avons commencé depuis 2000 a toujours été mal compris, par mauvaise foi ou par ignorance. » Il poursuit pour dire « Nous » avons réagi en lançant une mutinerie et avons créé l’UPC. Bien que M. Longa ait avoué avoir entendu le message, il ne pouvait pas en confirmer le contenu. Il ne pouvait pas non plus comprendre pourquoi M. Lubanga avait dit qu’ils s’étaient livrés à une mutinerie parce que M. Lubanga n’était pas un soldat.

Mme Struyven a fait parcourir au témoin des listes de noms sur divers documents en essayant de montrer que les mêmes personnes ont été impliquées dans les diverses manifestations de l’UPC, tant politiques que militaires. Bien qu’il ait convenu que beaucoup d’entre eux étaient membres de l’UPC à un moment ou un autre, il a insisté sur le fait que l’UPC a été organisée pour la paix et la réconciliation. Si la transcription du message radio peut être confirmée, l’insistance de M. Longa sur les objectifs pacifiques de l’UPC et de M. Lubanga n’aura pas beaucoup de poids.

Un autre document qui a causé des difficultés a été une déclaration publique faite par l’UPC le 17 avril 2002, et qui selon le témoin constituait un moment clé dans l’histoire de l’UPC, si important qu’il a été mentionné dans tous les décrets plus tard. Le document n’a pas été traduit en français, langue que parle M. Longa, il n’a donc pas pu en dire beaucoup sur le document lui-même. Le juge a autorisé le procureur à l’interroger en utilisant le contenu de la déclaration, mais avec des questions indépendantes. Selon le témoin, le document a déclaré la séparation de l’UPC et du RCD-K-ML. Cela n’a pas nécessité une quelconque intervention militaire de la part de l’UPC, a-t-il insisté. Plutôt, ils ont convaincu l’Ouganda de le faire pour eux. La déclaration n’a pas été rendue publique, selon le témoignage de M. Longa, mais elle a été envoyée à l’Ouganda, qui en a été le destinataire prévu depuis toujours.

Le contre-interrogatoire de M. Longa reprend demain matin.