- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

La CPI lève les restrictions sur les communications et les visites de M. Lubanga

Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont levé les restrictions qu’ils avaient imposé sur les communications et visites du condamné pour crimes de guerre Thomas Lubanga. Les juges ont conclu que M. Lubanga ne présentait actuellement que peu de risques quant à une subordination de témoins dans le procès de son collègue congolais Bosco Ntaganda.

Lubanga, qui purge le reste de sa peine de 14 ans dans une prison située dans son pays d’origine, la République démocratique du Congo, s’est vu imposer des restrictions en juin 2015 après qu’il ait été impliqué dans une subornation de témoins dans le procès Ntaganda. M. Lubanga et M. Ntaganda ont servi dans un groupe armé dénommé l’Union des patriotes congolais (UPC) en tant que, respectivement, commandant en chef et chef adjoint de l’état-major.

Hormis le fait d’imposer des restrictions sur les contacts de M. Lubanga, les juges ont également ordonné une surveillance active sur ses conversations téléphoniques non confidentielles dans le centre de détention de la CPI. Lorsque M. Lubanga a été transféré au Congo en décembre 2015 pour purger le reste de sa peine de prison, ces restrictions ont été maintenues dans la prison locale.

En mai dernier, en réponse à la demande des juges de dépôt d’observations au sujet de l’examen des restrictions, l’accusation a insisté pour qu’elles soient maintenues. L’accusation a demandé aux juges d’empêcher M. Lubanga de communiquer avec l’ensemble des témoins de la défense et avec les trois personnes qui avaient été précédemment retirées de la liste des contacts de M. Lubanga.

L’accusation a affirmé que M. Lubanga présentait encore un risque pour les informations confidentielles, la sécurité des témoins de l’accusation et l’intégrité de la procédure. Elle a ensuite argué qu’il y avait des informations qui confirmaient que M. Lubanga avait diffusé des informations confidentielles et qu’il était impliqué dans des pressions exercées sur des témoins pour arrêter leur coopération avec la CPI.

Les procureurs ont également soutenu que M. Lubanga avait utilisé sa ligne destinée aux communications non confidentielles pour entraîner des témoins pour M. Ntaganda, pour communiquer la stratégie de la défense et donner des instructions à ses complices pour préparer les témoins.

Les avocats de la défense ont estimé que les restrictions n’étaient plus nécessaires puisque l’accusation du procès Ntaganda avaient conclu la présentation de ses éléments de preuve. Ils ont, de plus, souligné qu’il n’y avait pas de preuve que M. Lubanga ait subordonné des témoins, que ce soit dans son procès ou dans celui de M. Ntaganda.

Les avocats de la défense ont fait valoir que bien qu’un témoin anonyme ait affirmé avoir subi des pressions par rapport à son témoignage, il n’y a aucune preuve de l’implication de M. Lubanga. En outre, ils ont déclaré que les enregistrements des appels téléphoniques présentés par l’accusation n’indiquait pas que M. Lubanga avait tenté d’entraver l’administration de la justice. Selon la défense, les appels montrent le soin que M. Lubanga a pris pour s’assurer que rien n’altèrerait la sincérité du témoignage présenté devant la Cour.

Les juges ont décidé qu’ils n’étaient pas persuadés par l’argument avancé par l’accusation selon lequel les restrictions devraient être conservées au motif que les témoins de l’accusation restaient vulnérables aux pressions pour qu’ils se rétractent ou aux représailles. La Chambre a considéré que « le risque de pressions sur les témoins de l’accusation était nettement inférieur au stade actuel de la procédure ». Le dernier témoin a témoigné [1] en février dernier tandis que les avocats des victimes ont conclu [2] la présentation de leurs éléments de preuve deux mois plus tard.

Les juges ont décidé qu’il n’y avait pas de nouvelles informations indiquant que M. Lubanga avait directement ou indirectement tenté de suborner des témoins ou d’entraver le cours de la justice, ou qu’il y avait des motivations spécifiques pour qu’il le fasse. Ils ont remarqué que les exemples auxquels l’accusation se référait dataient de 2013, une période antérieure à l’imposition de restrictions à M. Lubanga.

Les juges ont donc déterminé que le maintien des mesures restrictives sur M. Lubanga ne serait pas proportionné à son droit à une famille et à une vie privée.

En 2015, les juges examinant l’affaire Ntaganda avaient imposé des restrictions sur ses communications et en mars de cette année, les juges d’appel ont rejeté [3] la décision prise par la Chambre de première instance de maintenir ces restrictions. Lorsque les juges de première instance ont refusé [4] de lever les restrictions en octobre dernier, M. Ntaganda a boycotté les audiences et a entrepris une grève de la faim de 14 jours [5].