Le procès de l’ancien dirigeant congolais Thomas Lubanga a entendu la déposition d’un témoin de la défense qui a témoigné par lien vidéo depuis la province de l’Ituri en République Démocratique du Congo (RDC), et ensuite fait une pause pour vacances judiciaires du printemps. Le procès doit reprendre le 21 avril 2010.
Avant le début de la déposition, qui a été faite à huis clos dans sa totalité, le juge Adrian Fulford a demandé que l’on fasse preuve de sensibilité en posant des questions au témoin car il s’agit d’une personne vulnérable. « Le conseil devra poser des questions brèves, d’une façon compréhensible pour le témoin. Le témoin ne doit pas être bouleversé, » a déclaré le juge.
Selon une requête de la défense, la déposition de ce témoin, désigné sous l’appellation de ‘Témoin 14’, a des rapports avec deux témoin à charge. La défense a indiqué que le ‘Témoin 14’ allait fournir la preuve qu’elle était bien la mère d’un témoin à charge qui avait déclaré dans sa déposition qu’il était sûr que sa mère était morte. Elle allait aussi témoigner qu’elle avait rencontré son fils après la fin de la guerre en Ituri.
Le 5 mars 2010, les juges ont accédé à la requête de la défense de recevoir son témoignage par lien vidéo. Auparavant, les juges Fulford, Elizabeth Odio Benito, et René Blattmann ont le 10 février 2010 décidé que la loi permettait aux témoins de témoigner par des moyens électroniques pour diverses raisons.
La Cour Pénale Internationale (CPI) accuse M. Lubanga de conscription, d’enrôlement et d’utilisation d’enfants de moins de quinze ans en vue d’une « participation active » à un conflit armé. Les crimes dont il est accusé ont été commis entre septembre 2002 et août 2003 en Ituri.
Dans sa requête concernant le témoignage du ‘Témoin 14’ par lien vidéo, la défense de M. Lubanga a déclaré que ce témoin n’avait jamais utilisé de toilette, d’évier, ou de téléphone. Etant donné tout le temps qu’il lui faudrait passer d’abord à Kinshasa, la capitale congolaise pour obtenir un passeport, et ensuite aux Pays-Bas, la défense a déclaré que ce serait-là une expérience traumatisante pour elle et qu’elle se retrouverait complètement perdue et désemparée dans ces environnements inconnus.
Cette semaine, les avocats de Thomas Lubanga ont aussi demandé à la cour l’autorisation d’interroger un ancien témoin à charge sur certains éléments de son témoignage, mais les procureurs se sont opposés à cette demande. L’avocat de la défense Marc Desalliers a indiqué que pour la défense il serait important de poursuivre l’exploration de certains domaines qui étaient inaccessibles au moment où le ‘Témoin 298’ faisait sa déposition « pour des raisons compréhensibles car on avait présenté le témoin comme vivant dans une situation de très grande vulnérabilité ».
Selon M. Desalliers : « La réponse qu’il a fournie concernant sa mère était un peu ambivalente. Nous voudrions que le matériel qui a été présenté soit réexaminé… » Il n’a pas été possible d’établir que la mère dont parlait M. Desalliers était bien la personne qui avait témoigné par lien vidéo depuis le Congo.
S’élevant contre la requête de la défense, le procureur Manoj Sachdeva a soutenu que dans le passé des juges avaient bien reconnu à la partie qui ne cite pas de témoins à comparaître le droit d’interroger les témoins de l’autre partie, mais que cela devait se faire avant la déposition de ces témoins. Il a ajouté qu’au stade actuel, la demande de la défense concernant un retour vers le ‘Témoin 298’ n’avait pas de base légale.
M. Sachdeva a encore ajouté qu’il ne voyait pas ce que la défense pouvait tirer d’un autre interrogatoire du témoin. « Il s’agit peut-être de questions qui auraient pu être posées au témoin au cours du contre-interrogatoire dans le cadre de son témoignage »
Selon Sachdeva : « Il y a certains domaines concernant ce témoin qui devront être traités avec beaucoup de précautions, et je pose le problème de la mère du témoin et en fait, comme le sait la cour, des questions à ce sujet ont été interdites à un certain moment au cours du contre-interrogatoire pour ces mêmes raisons, c’est-à-dire des raisons humanitaires. »
Le président Adrian Fulford a déclaré qu’il fallait que l’affaire soit finalisée « car sinon, on pourrait plusieurs fois retourner vers un témoin au cours de sa déposition et tenter au fur et à mesure d’améliorer les questions qu’on lui pose et les réponses qu’il ou elle donne au cours de cette déposition »
Il a demandé à la défense de mettre par écrit le sujet qu’ils voulaient aborder avec le témoin, en expliquant pourquoi il était devenu nécessaire de réinterroger le ‘Témoin 298’. La défense a exprimé son accord avec cet avis du juge.
Le procès de Lubanga, le premier de la Cour Pénale Internationale (CPI), a repris le 7 janvier 2010 après une pause de six mois. La défense a entamé son plaidoyer le 27 janvier 2010. Depuis lors, treize témoins de la défense ont fait leur déposition, deux experts ont comparu à la barre, trois victimes ont pris part au procès, et un ancien témoin à charge a brièvement témoigné en juin passé et avoué avoir dit aux enquêteurs du procureur des mensonges qui auraient été inventés de toutes pièces par un intermédiaire des enquêteurs du procureur de la CPI.