- Qui est Thomas Lubanga Dyilo ?
- Sur quoi portait le conflit de la RDC et quand s’est-il produit ?
- Quelles sont les accusations portées contre Lubanga ?
- Qu’est-ce qu’un crime de guerre ?
- Pourquoi le recrutement, l’engagement et l’utilisation d’enfants ne sont-ils pas autorisés par le droit international ?
- Qu’est-ce que la Cour pénale internationale ?
- Le procès de Lubanga ne devait-il pas commencer l’année dernière ? Pourquoi commence-t-il seulement maintenant ?
- Quel est le rôle des victimes et des témoins dans le procès ? Comment les victimes peuvent-elles y participer ?
- Quel sera le sort de Lubanga à la fin du procès ?
- D’autres personnes ont-elles été arrêtées par la CPI en rapport avec les crimes commis en RDC? La cour recherche-t-elle d’autres personnes ?
- En RDC aujourd’hui, y a t-il des procès liés aux actes criminels commis pendant la guerre ?
- Les filles sont-elles incluses dans le procès ?
- Pourquoi des enfants sont-ils encore recrutés en dépit du fait que Lubanga soit à La Haye ?
- Pourquoi les accusations portent-elles uniquement sur le recrutement, l’engagement et l’utilisation d’enfants soldats ?
- Que recevront les parents dont les enfants sont morts sur la ligne de front ?
- Pourquoi avoir uniquement arrêté Lubanga et pourquoi les nombreux autres « présumé » avoir commis des actes criminels avec lui n’ont-ils pas été appréhendés ?
- Qu’est-ce qu’un procès équitable ?
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Qui est Thomas Lubanga Dyilo?
Thomas Lubanga Dyilo est un chef de milice rebelle accusé d’avoir engagé des enfants soldats pour poursuivre le conflit en République démocratique du Congo (RDC) en2002 et 2003. Si cette activité était prouvée, il s’agirait d’un crime de guerre, l’un des crimes les plus graves au plan international.En RDC, Lubanga était le président présumé de l’Union des Patriotes Congolais depuis 2000, et à partir de 2002, il était le commandant-en-chef présumé de son ancienne aile militaire, les Forces patriotiques pour la libération du Congo. Le but de l’Union des Patriotes Congolais était d’instaurer la domination du groupe ethnique Hema en faisant usage de la violence à l’encontre des populations non-Hema, en particulier contre les milices et les civils Lendu.Étant soupçonné d’avoir commis des crimes de guerre pendant le conflit, Lubanga a été arrêté en mars 2005 et, une année plus tard, en mars 2006, il a été transféré de la RDC à la CPI. Après un long retard, son procès a commencé le 26 janvier 2009. -
Sur quoi portait le conflit de la RDC et quand s’est-il produit ?
Le conflit dans la région Ituri (au nord-est de la RDC), située le long de la frontière avec l’Ouganda (zone au cœur du procès Lubanga) opposait les ethniesHema et Lendu. Des tensions et mêmes des affrontements ont opposé ces ethnies pendant de longues années car celles-ci se disputaient des terres. Mais en 1996, cette longue lutte pour la terre s’est trouvée prise dans un ensemble plus complexe et plus vaste de conflits qui ont aggravé la violence.Suite au génocide de 1994 au Rwanda voisin, des combattants hutus rwandais qui avaient participé au massacre des Tutsis en 1994 ont fui vers l’est du Zaïre (actuellement la RDC) et certains de ces combattants sont allés dans les camps de réfugiés. A partir de l’est du Zaïre, ces combattants hutus ont lancé des attaques sur le Rwanda et ont reçu le soutien du président zaïrois, Mobutu Sese Seko.En 1996, des troupes du Rwanda et de l’Ouganda sont entrées dans l’est du Zaïre et ont fait de Laurent Kabila le chef de leurs alliés rebelles congolais. Ces troupes ont ratissé ce vaste pays, tuant non seulement des combattants hutus mais aussi entre 200 000 et 300 000 civils hutus. En mai 1997, les armées rwandaises et ougandaises ainsi que les rebelles de Kabila ont vaincu les armées de Mobutu et de ses alliés rebelles angolais, ce qui a mis un terme à la dictature de Mobutu, longue de 32 ans. Laurent Kabila s’est autoproclamé président et a rebaptisé le pays, l’ex-Zaïre devenant la République démocratique du Congo.En 1998, souhaitant prouver son indépendance, Laurent Kabila s’est retourné contre les Rwandais qui l’avaient aidé à prendre le pouvoir. Le Rwanda a aussitôt tenté de le faire renverser mais l’armée angolaise a riposté et vaincu les troupes rwandaises à Kinshasa, la capitale. Le Zimbabwe et la Namibie se sont mis du coté de Kabila, tandis que l’Ouganda et le Burundi se sont joints au Rwanda contre Kabila. Les Tutsis congolais, que l’on appelle les Banyamulenge, se sont alliés au Rwanda et à ses troupes. L’Ouganda a soutenu plusieurs milices. Les milices congolaises anti-tutsi, les Mayi-Mayi, ont reçu l’appui de Kabila.Le conflit, qui était plus intense dans l’est de la RDC, est devenu ce que l’on a appelé la Première guerre mondiale d’Afrique. Outre les divisions ethniques, le conflit a été compliqué par l’existence en RDC de richesses en ressources naturelles. Les forces combattantes ont essayé de contrôler la terre et d’exploiter les minéraux et le bois d’œuvre. Le conflit relatif au diamant de Kisangani a entrainé des luttes intestines entre troupes alliées du Rwanda et de l’Ouganda. Pendant le conflit, de nombreuses factions combattantes se sont divisées et sont tombées dans des rivalités complexes. En l’absence de toute reddition de compte, de nombreuses atrocités ont été commises contre des civils de tous bords, notamment de nombreux massacres et un degré de violence sexuelle abominable. En 2004, le conflit avait fait environ quatre millions de morts, que ce soit de maladies, de faim ou directement dans des massacres.
En 2000, les Nations Unies ont lancé une mission de maintien de la paix en RDC Pourtant, les combats ont continué. Laurent Kabila a été assassiné en 2001 et son fils, Joseph Kabila, est devenu président. Les négociations de paix ont progressé et en avril 2003, tous les pays voisins ont accepté de retirer leurs troupes de la RDC. Les représentants de nombreuses factions rebelles congolaises ont rejoint le gouvernement de Joseph Kabila. Grâce à un nombre accru de soldats de maintien de la paix en RDC, les élections présidentielles et législatives ont eu lieu en 2006. Joseph Kabila a battu Jean-Pierre Bemba au dernier tour des élections présidentielles et il est resté à la présidence. Dans la capitale, Kinshasa, des affrontements ont opposé les partisans de Bemba aux troupes gouvernementales avant que les soldats chargés du maintien de la paix ne réussissent à mettre fin à la violence.
Pendant toute la durée de ce conflit prolongé, les tensions déjà présentes entre Lendus et Hemas se sont aggravées. Au fur et à mesure que les Lendus s’identifiaient de plus en plus aux Hutus, et les Hemas aux Tutsis, la guerre plus vaste a commencé à intervenir dans le conflit régional entre Lendus et Hemas et à l’envenimer.
Au début de la guerre en RDC, l’Ouganda soutenait une milice congolaise qui rassemblait à la fois des Hemas et des Lendus. Toutefois, cette milice était ethniquement divisée et les Lendus ont commencé à considérer l’Ouganda comme un allié des Hemas. Six milices ont fini par se battre pour la province d’Ituri et l’Ouganda est resté très impliqué. L’Ituri est riche en minéraux, particulièrement en or, et les milices alliées à l’armée ougandaise se sont battues pour prendre le contrôle des exploitations minières. Le conflit a enrichi les commandants et leur a donné une raison de continuer à se battre. Pour continuer une guerre lucrative, ils ont rallié leurs troupes et leurs peuples autour de la haine ethnique. D’horribles massacres de civils se sont produits en 2002.
Des soldats français de maintien de la paix sont intervenus en 2003 et les soldats de maintien de la paix de l’ONU (MONUC) ont vu leur nombre s’accroitre en Ituri à partir de 2004. La mission des Nations Unies a arrêté plusieurs chefs de milices en mars 2005, notamment le chef de milice Hema, Thomas Lubanga. La CPI a depuis émis un autre mandat d’arrêt pour un autre commandant Hema, Bosco Ntaganda, qui est toujours en liberté. Elle a mis en accusation deux commandants de milices Lendus, Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui.
La violence continue en Ituri, et tout récemment, jusqu’en fin 2008. Il semblerait que le conflit en Ituri ait fait au moins 50 000 morts et déplacé des centaines de milliers de civils.
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Quelles sont les accusations portées contre Lubanga ?
Thomas Lubanga est accusé d’avoir commis trois crimes de guerre entre juillet 2002 et décembre 2003 :- recrutement d’enfants âgés de moins de 15 ans dans des groupes armés.
- engagement d’enfants dans des groupes armés, et
- utilisation d’enfants participant activement à des conflits armés.
Lubanga est accusé de responsabilité dans ces crimes en raison de ses fonctions présumées à la tête des deux groupes politiques, l’Union des Patriotes Congolais et son ex-aile militaire, les Forces Patriotiques pour la Libération du Congo. Le procureur accuse Lubanga d’avoir, de fait, exercé son pouvoir et son autorité sur ces organisations, notamment dans l’adoption et l’application de leurs politiques (parmi lesquelles figuraient le recrutement, l’engagement et l’utilisation d’enfants soldats), et qu’il était conscient de son pouvoir sur ces groupes et l’exerçait activement.
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Qu’est-ce qu’un crime de guerre?
Les guerres sont brutales et sèment le chaos mais un ensemble de lois internationales tente de régir la violence des conflits armés. Ces lois visent à sauvegarder « les personnes protégées », c’est-à-dire les personnes qui ne sont pas, ou ne sont plus, impliquées dans le conflit. Les « personnes protégées » comprennent les civils (la loi considère les femmes et les enfants comme particulièrement vulnérables), les soldats malades et les prisonniers de guerre. Ces personnes doivent être protégées des crimes, notamment l’assassinat, la torture, le viol et autre violence sexuelle. Un de ces crimes est l’engagement de soldats âgés de moins de 15 ans dans des forces armées combattantes.La Cour pénale internationale est chargée de mettre en examen, d’intenter une action en justice et de juger les personnes accusées de crimes de guerre (ainsi que de crimes contre l’humanité et de génocide). Les « crimes de guerre » sont décrits dans le document fondateur de la CPI, le Statut de Rome. -
Pourquoi l’utilisation d’enfants est-elle interdite par le droit international ?
Les adultes doivent prendre soin des enfants et les protéger et ne pas les mettre en danger en les utilisant pour faire la guerre. Lorsque les commandants utilisent des enfants dans des conflits, ils créent une génération d’enfants entrainés à la violence, ce qui détruit le tissu social. Les enfants engagés et recrutés, même ceux qui ont commis des crimes, sont considerés comme des victimes. Approximativement 300 000 enfants sont utilisés comme enfants soldats dans au moins 14 pays dans le monde. -
Qu’est-ce que la Cour pénale internationale ?
La Cour pénale international est le premier tribunal permanent dans le monde chargé de traduire en justice certains des crimes les plus graves de l’humanité, tels que le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre L’une des conditions qui ont prévalu à la création de la CPI était l’ instauration d’un système de justice équitable à l’échelle international qui opérerait conformément à la primauté du droit et non selon les caprices des politiciens, des riches ou autres puissants.La CPI a été fondée par un groupe de 120 pays qui se sont réunis en juillet 1998 à Rome, en Italie. La Cour est officiellement entrée en fonctions le 1er juillet 2002 et siège à La Haye, aux Pays Bas. Toutefois, bien qu’elle soit basée en Europe, trente (30) des cent-six (106) pays qui ont ratifié le document fondateur de la CPI (qui les contraint à appliquer les règlements de la CPI) sont des pays d’Afrique et le personnel et les juges de la CPI sont originaires de tous les pays du monde, un grand nombre d’entre eux venant d’Afrique. -
Le procès de Lubanga ne devait-il pas commencer l’année dernière ? Pourquoi commence-t-il seulement maintenant ?
Prévu à l’origine pour le 31 mars 2008, le procès de Thomas Lubanga a ensuite été reporté au 23 juin 2008. Toutefois, au début juin, les juges ont pris la décision de suspendre le procès par crainte que Lubanga ne puisse avoir accès à des informations le disculpant détenues par le procureur de la CPI, M. Luis Moreno Ocampo. Les juges craignaient que Thomas Lubanga ne puisse pas bénéficier d’un procès équitable sauf si le procureur résolvait le problème.Le 2 juillet 2008, la Chambre de première instance a décidé que le procureur n’avait pas fait tout ce qu’il fallait pour résoudre le problème et que Thomas Lubanga devrait être libéré. Il est toutefois resté en prison car la décision de la Chambre de première instance a été remise en cause. Une série de décisions ont suivi et en novembre 2008, les juges ont décidé que le problème avait été résolu et que le procès pourrait se dérouler. La date du procès est le 26 janvier 2009. -
Quel est le rôle des victimes et des témoins dans le procès ? Comment les victimes peuvent-elles y participer ?
Les personnes souhaitant être reconnues comme victimes à n’importe quelle étape du procès Lubanga peuvent demander à participer à celui-ci. Elles peuvent demander aux juges de la CPI de décider si elles répondent aux critères permettant de figurer comme victimes dans l’affaire. Lorsque les victimes sont reconnues par les juges de la CPI, elles ont le droit à un avocat qui peut faire entendre leur point de vue dans la salle du tribunal. Elles peuvent envoyer des informations au procureur. Les victimes peuvent aussi déposer auprès de l’administration de la Cour une demande de réparations aux personnes jugées coupables. Un fonds d’affectation spéciale réservé aux victimes, constitué de dons, peut aussi contribuer à financer les victimes.Si les juges rejettent la demande d’une personne souhaitant être reconnue comme victime, cela ne signifie pas qu’ils sont convaincus que cette personne n’est pas une victime de guerre. Ils ont tout simplement des réglementations à respecter, ce qui veut dire que seules les victimes capables de prouver qu’elles ont été blessées ou ont subi des pertes directement liées aux questions sur lesquelles porte le procès Lubanga peuvent être reconnues comme victimes dans ce procès. Les juges comprennent bien que le nombre de victimes d’actes criminels qui se sont produits en RDC est bien supérieur à celui des victimes susceptibles d’être représentées par des avocats dans les affaires jugées par la CPI.La situation est différente pour les témoins. Ces personnes sont appelées à témoigner par l’une des parties souhaitant prouver son point de vue. Parmi les témoins, certains sont eux-mêmes des victimes, d’autres peuvent avoir été des collègues appartenant au mouvement de Lubanga et témoigner de la structure de la milice de Lubanga et de l’aptitude de ce dernier à la contrôler. D’autres témoins sont des personnes capables d’associer Lubanga à certains événements et actes criminels. D’autres peuvent ne pas être de la RDC mais des experts dans un certain nombre de domaines, comme par exemple, l’histoire du conflit en RDC.Les personnes originaires de la RDC qui apportent leur témoignage peuvent recevoir des menaces portant atteinte à leur sécurité, avant ou après leur témoignage. Lorsque que la sécurité est un facteur pour les témoins, la CPI tentera de les faire bénéficier de mesures spéciales de protection de leur identité et de veiller à leur sécurité, conformément aux droits de la défense dans un procès équitable. -
Quel sera le sort de Lubanga à la fin du procès ?
Un droit de l’homme fondamental, qui s’applique à toute personne accusée d’un acte criminel, consiste à avoir le droit d’« être entendu dans le cadre d’une procédure équitable et publique, par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi » et d’être présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit prouvée. Lubanga est présumé innocent pendant toute la procédure judiciaire, sauf lorsque ou si les juges de la CPI décident qu’il est coupable à la fin du procès.Les juges de la CPI décideront si le procureur a prouvé la culpabilité de Lubanga eu égard aux actes criminels qu’il est présumé avoir commis. Si les juges le déclarent coupable, il peut être condamné à une peine de prison d’une certaine durée et/ou ils ordonneront que ses biens soient saisis pour dédommager les victimes. En cas de culpabilité, Lubanga ne sera pas condamné à la peine de mort : les règles de la CPI ne le permettent pas. S’il est déclaré non coupable des actes criminels dont il est accusé, il sera libéré et bénéficiera de la présomption d’innocence pour les actes criminels dont il a été accusé. -
D’autres personnes ont-elles été arrêtées par la CPI en rapport avec la situation de la RDC? La cour recherche-t-elle d’autres personnes ?
A ce jour, la CPI a mis en garde à vue deux autres Congolais en rapport avec l’enquête de la RDC, et une troisième personne est toujours en liberté. Les deux personnes en garde à vue sont des chefs de milices lendus (opposés à la milice Hema de Lubanga), Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui. Des procédures judiciaires ont déjà été entamées contre Katanga et Ngudjolo et leur procès commun devrait commencer à la fin 2009. Un troisième ressortissant congolais, Bosco Ntaganda, est accusé d’avoir commis des crimes de guerre en qualité de commandant principal du groupe de Lubanga, mais il n’a pas encore été arrêté.L’enquête se poursuit en RDC. En novembre 2008, le procureur a annoncé publiquement qu’il avait ouvert une troisième enquête en RDC, centrée sur le Kivu. Il a aussi indiqué qu’il avait l’intention d’enquêter sur ceux qui auraient « organisé et financé les milices actives en RDC. » On ne sait pas encore si ces enquêtes se traduiront par des mises en examen. Tout dépend si le procureur de la CPI découvre des éléments de preuve suffisants se rapportant aux actes criminels commis par certaines personnes. -
En RDC aujourd’hui, y a-t-il des procès liés aux actes criminels commis pendant la guerre ?
Les tribunaux militaires en RDC ont mené des actions en justice pour crimes de guerre. En mars 2006, par exemple, un tribunal militaire du Bukavu a condamné un commandant de l’armée de la RDC pour cause d’arrestation et de détention d’enfants. En avril 2006, sept officiers ont été condamnés pour des viols collectifs, le viol collectif étant un crime contre l’humanité. En février 2007, un tribunal militaire de Bunia, recourant aux dispositions du Statut de Rome, a condamné 13 soldats pour un massacre de civils en Ituri.Les organisations locales et internationales de défense des droits de l’homme disent que ces procès et autres actions ont été difficiles parce que les responsables chargés deces procès ont besoin de ressources et de formations supplémentaires et que parfois, des ingérences politiques et la corruption ont entravé la procédure. La mission des soldats de maintien de la paix de l’ONU en RDC et les organisations non gouvernementales œuvrent à offrir des formations et des ressources aux tribunaux militaires et surveillent l’équité des procès.Un projet de loi, bloqué au parlement de la RDC, permettrait aux tribunaux civils de se saisir également de dossiers de crimes de guerre. Cette loi adopterait officiellement les orientations du Statut de Rome relatives aux procès nationaux. Ceux qui critiquent cette législation se plaignent du fait qu’elle supprimerait la peine de mort en RDC. Les organisations locales de défense des droits de l’homme locales affirment que ce projet de loi n’a pas été adopté parce que certains responsables ont peur de faire eux-mêmes l’objet de poursuites judiciaires. -
Les filles sont-elles incluses dans le procès ?
Thomas Lubanga est accusé d’avoir utilisé des enfants soldats dans le cadre d’hostilités. Les accusations indiquent que la plupart de ces enfants étaient des garçons mais qu’il y avait aussi des filles. Certaines organisations congolaise et internationales de défense des droits de l’homme ont noté que les filles qui ont été recrutées et engagées par les forces armées de Lubanga étaient aussi victimes d’abus sexuels, mais les accusations portées contre Lubanga ne comprennent pas d’accusation liée à des violences sexuelles. On ne sait pas encore si Lubanga devra rendre des comptes pour les souffrances particulières que les filles ont endurées quand elles étaient enfants soldats. -
Pourquoi des enfants sont-ils encore recrutés en dépit du fait que Lubanga soit à La Haye ?
Le nombre d’enfants faisant partie des forces combattantes dans le conflit en RDC est énorme – les Nations Unies estiment le chiffre à 30 000. Tenter de tenir une personne pour responsable de crimes de recrutement, d’engagement et d’utilisation d’enfants soldats ne suffira pas à empêcher le recrutement d’enfants pour les besoins du combat. Il s’agit d’une initiative, parmi tant d’autres, destinée à tenter de mettre un terme à cette pratique.Traduire des personnes comme Lubanga devant la justice pour qu’elles répondent de ces actes présumés peut dissuader d’autres personnes de commettre de tels crimes. C’est aussi un moyen de faire à nouveau respecter la loi – qui interdit l’utilisation d’enfants soldats – après que la guerre a miné et détruit l’État de droit par le chaos, la violence et le fait que les criminels présumés ne sont pas tenus pour responsables de leurs actes. -
Pourquoi les accusations se limitent-elles au recrutement, à l’engagement et à l’utilisation d’enfants soldats ?
Certainses organisations congolaises et internationales ont critiqué le procureur de la CPI car il a limité les accusations portées contre Thomas Lubanga à l’engagement, au recrutement et à l’utilisation d’enfants soldats. Ils avancent que les forces armées de Lubanga ont aussi été impliquées dans de graves crimes de guerre, notamment des meurtres et des violences sexuelles. Pour certains, ces accusations limitées ont déçu, tout comme le fait que l’homme accusé d’avoir commis ces crimes lorsqu’il était le second de Lubanga, Bosco Ntaganda, a également été accusé d’engagement, de recrutement et d’utilisation d’enfants soldats dans des conflits armés. Ntaganda n’a pas encore été arrêté.Pour répondre à ces critiques, le procureur de la CPI a avancé que l’utilisation d’enfants soldats alimente les conflits armés mais transforme également ces enfants en tueurs et déchire le tissu social – c’est donc un acte criminel très grave. Comme dans toutes les actions en justice, il est possible que d’autres sujets, liés à la disponibilité des preuves et la possibilité de prouver certaines accusations, soient pertinents. Mais il est certain que la CPI ferait bien de s’entretenir plus régulièrement avec les habitants de la RDC pour expliquer la décision relative aux accusations, et de faire mieux comprendre aux populations pourquoi Lubanga n’a pas été accusé formellement d’autres actes criminels – comme par exemple le meurtre – qui pourrait sembler plus grave aux yeux des personnes qui ont subi cette violence en RDC. -
Que recevront les parents dont les enfants sont morts sur la ligne de front ?
La CPI contribue à donner aux parents le sentiment que les personnes soupçonnées d’actes criminels bouleversant l’avenir et la vie de leurs enfants seront redevables de leurs actes. Savoir que ces personnes sont tenues pour responsables et sommées de rendre des comptes de leur rôle présumé dans des multitudes de crimes odieux commis en RDC ne ressuscite pas les enfants ou n’aide pas ces garçons et ces filles à se remettre de ces expériences horribles, mais les parents et les communautés victimes savent ainsi que ces horreurs ne resteront pas impunies.Il n’est pas certain que les parents d’enfants morts sur les lignes de front recevront un dédommagement quelconque. La Cour pénale internationale dispose d’un mécanisme de réparations mais nous ne savons pas encore s’il fonctionnera et qui en bénéficiera éventuellement.Dans l’éventualité où Thomas Lubanga serait déclaré coupable des crimes dont il est accusé, le tribunal a le choix et peut ordonner directement que certaines victimes soient dédommagées ; les victimes auront, elles aussi, la possibilité de faire des demandes de dédommagement auprès du tribunal. Les familles dont les enfants ont été kidnappés et obligés de rejoindre les troupes de Lubanga pourraient recourir à ce mécanisme pour faire une demande de dédommagement. A supposer que le tribunal ordonne à Lubanga de verser des dédommagements aux victimes, nous ne savons pas s’il les paiera ou s’il dispose des ressources nécessaires.Le Statut de Rome a aussi crée le Fonds d’affectation spéciale réservé aux victimes qui permet de plaider la cause des victimes et de leur porter assistance dans les localités relevant de la compétence de la CPI. Le Fonds insiste sur le fait qu’il ne fait pas la charité mais aide plutôt les victimes, leurs familles et leurs communautés par le biais d’initiatives médicales ou de formation professionnelle. Les gouvernements, les organisations internationales, les entreprises, les fondations et les particuliers peuvent verser des fonds destinés aux activités de ce fonds.Actuellement, le Fonds n’a pas beaucoup d’argent et l’aide qu’il peut apporter est limitée. -
Pourquoi avoir uniquement arrêté Lubanga et pourquoi les nombreux autres « présumé » avoir commis des actes criminels avec lui n’ont-ils pas été appréhendés ?
La CPI a émis un mandat d’arrêt pour une personne supposée avoir collaboré avec Lubanga en vue de commettre des actes criminels- l’un de ses seconds présumés, Bosco Ntaganda Toutefois, la CPI ne dispose pas de sa propre police pour arrêter les suspects. Elle ne peut que se reposer sur les pays pour qu’ils les arrêtent. Cela pose souvent problème car parfois, ces pays ne disposent pas des ressources nécessaires pour procéder aux arrestations (particulièrement lorsqu’un pays sort d’un conflit), ne veulent pas arrêter des personnes pour des raisons politiques ou autres, ou ont du mal à les retrouver quand celles-ci se cachent. Il est important que la communauté internationale aide la CPI à appréhender les suspects ou qu’elle peut fasse pression sur les pays qui ne veulent pas appréhender les suspects recherché par la CPI.L’enquête continue en RDC. Nous ne savons pas si le procureur voudra émettre des mandats d’arrêt supplémentaires à l’encontre d’autres proches de Lubanga. Lorsqu’il prend la décision de traduire en justice certaines personnes, le procureur doit suivre les directives du Statut de Rome qui est l’instrument fondateur de la CPI. Selon ces directives, l’accent doit être mis sur ceux qui ont commis « les actes criminels les plus graves aux yeux de l’ensemble de la communauté internationale ». Tous les auteurs d’actes criminels ne seront pas traduits en justice. -
Qu’est-ce qu’un procès équitable?
Pour toute personne accusée d’un acte criminel, le droit à un procès équitable est un droit de l’homme fondamental. Ses caractéristiques sont énoncées dans l’un des documents fondateurs des droits de l’homme dans le monde, notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, articles 14 et 15. Un procès équitable, conformément aux documents relatifs aux des droits de l’homme, comprend les éléments suivants :- Le droit à une audition publique.
- Présomption d’innocence jusqu’à ce que la culpabilité soit prouvée.
- Droit de l’accusé à être informé de la nature et des causes des accusations portées contre lui.
- Le tribunal doit veiller à ce que le procès se déroule sans délai.
- L’accusé est présent à son procès.
- L’accusé a le droit d’être défendu par un avocat ou à d’assurer lui-même sa défense.
- Aide judiciaire pour l’accusé s’il n’a pas de fonds suffisants pour payer pour sa défense.
- L’avocat de la défense a le droit d’interroger les témoins ou de procéder à des contre-interrogatoires.
- L’avocat de la défense a le droit de présenter des témoins devant le tribunal.
- Des interprètes des tribunaux sont à disposition pour interpréter les témoignages si nécessaire.
- L’accusé n’est pas forcé de témoigner contre lui-même ou de confesser sa culpabilité.