Lors de son audition sur la peine mercredi de cette semaine, l’ancien chef de milice congolais Thomas Lubanga va appeler à la barre deux témoins pour qu’ils fassent des dépositions qui, espère-t-il, pourront convaincre les juges de le condamner à une peine plus légère. Les témoins vont faire leur déposition par liaison vidéo depuis la République Démocratique du Congo (RDC).
Dans une décision en date du 11 juin 2012, les juges de première instance de la Cour pénale internationale (CPI) ont accordé à l’accusé la permission d’appeler les deux témoins, et aussi d’introduire deux documents. Les juges ont déclaré ces documents « potentiellement pertinents pour son témoignage, étant donné qu’ils ont tendance à prouver son état civil et son âge au moment des événements en question. »
L’un des documents peut être pertinent en ce qui concerne la question de savoir si M. Lubanga a passé du temps en détention en RDC avant d’être transféré à La Haye. La défense a fait valoir que le temps que l’accusé a passé en garde à vue dans la capitale congolaise, avant d’être transféré au centre de détention de la CPI doit être déduit de toute peine d’emprisonnement qui est imposée, conformément à l’article 78 (2) du Statut de Rome. En permettant à la défense de présenter ce document en preuve, les juges ont souligné que la détermination finale de sa valeur probante et de sa pertinence se ferait en temps voulu.
L’audience de détermination de la peine de M. Lubanga – qui a été en mars dernier reconnu coupable de trois crimes de guerre – se tiendra ce mercredi. Le procureur soumettra ses observations, suivi des représentants légaux des victimes et enfin de la défense. La semaine dernière, la défense a demandé aux juges l’autorisation de présenter des preuves lors de l’audience de détermination de la peine, et a proposé d’appeler les deux témoins.
La défense a fait valoir que le premier témoin proposé, Dol-0039, allait faire sa déposition sur les initiatives prises par M. Lubanga en vue d’établir la paix dans la région de l’Ituri au Congo au moment où le conflit battait son plein, l’assistance fournie par l’accusé à tous les groupes ethniques entre 2002 et 2003, et la portée des crimes concernés. Le deuxième témoin, Dol-0040, allait fournir des preuves sur l’assistance que M. Lubanga a fournie à divers groupes ethniques, ainsi que sur la portée des accusations.
Les juges ont estimé que les éléments de preuve apportés par les deux témoins étaient suffisants et pertinents à première vue pour les questions qui doivent être abordés au cours de l’audience de détermination de la peine, conformément à l’article 78 (1) du Statut et la règle 145 des Règles de procédure et de preuve. « Leur témoignage est potentiellement utile pour ce qui concerne les divers facteurs aggravants ou atténuants pertinents pour la peine qui devra être imposée », ont déclaré les juges.
L’article 78 (1) prévoit que, dans la détermination de la peine, le tribunal doit tenir compte de facteurs tels que la gravité du crime et les circonstances particulières de la personne condamnée. Selon l’article 78 (2) : « En imposant une peine d’emprisonnement, le tribunal en déduit le temps, le cas échéant, déjà passé en détention en conformité avec une ordonnance du tribunal. Le tribunal peut déduire toute autre période passée en détention dans le cadre de la conduite en rapport avec le crime. »
Pour déterminer la peine appropriée, l’article 145 exige que le tribunal examine et équilibre de nombreux autres facteurs, y compris la culpabilité et le degré de participation de la personne condamnée, les circonstances de la personne et les crimes, les préjudices causés aux victimes et à leurs familles, et les facteurs aggravants et atténuants appropriés.
Les procureurs ne se sont pas opposés à la requête de la défense d’appeler les deux témoins à l’audience de détermination de la peine, mais se sont opposés à l’introduction de preuves documentaires qu’ils considèrent comme non pertinentes en l’espèce. Les représentants légaux des victimes se sont élevés contre l’admission de toute preuve additionnelle, car ils considéraient que cela pourrait modifier substantiellement l’objet de l’audience de détermination de la peine. Dans leur présentation, ils ont déclaré que tout élément de preuve supplémentaire doit être testé, y compris par voie de témoins en réplique cités par l’Accusation.
En outre, les représentants légaux ont fait valoir que le nouveau témoignage peut affecter les intérêts des victimes et ils ont aussi proposé qu’ils soient autorisés à demander à interroger les témoins pertinents.
Dans une requête déposée le mois dernier concernant la peine, le procureur de la CPI a demandé aux juges de prononcer une peine « très sévère» à l’encontre de l’ancien chef rebelle, qui selon eux, a enrôlé de force des enfants soldats recrutés et utilisés dans l’aile armée de l’Union des patriotes congolais (UPC ) groupe politique dont il était le dirigeant. Les crimes auraient été commis pendant le conflit armé dans la région de l’Ituri au Congo.
Il est prévu que les représentants légaux et l’Accusation interrogent les deux témoins au cours de l’audience de détermination de la peine qui doit durer deux jours.