La demande de mise en liberté conditionnelle du chef de milice congolais Bosco Ntaganda détenu par la Cour pénale internationale (CPI) a été rejetée par le juge unique en charge du dossier. La juge Ekaterina Trendafilova a ordonné que M. Ntaganda reste dans le quartier pénitentiaire de la Cour puisqu’il existait des risques de fuite et qu’il avait les capacités de menacer ou d’influencer les témoins.
Le 18 mars 2013, M. Ntaganda s’est rendu à l’ambassade américaine au Rwanda et a demandé à être transféré à La Haye où deux mandats d’arrêt avaient été délivrés à son encontre. Le premier mandat d’arrêt, émis en 2006, alléguait que M. Ntaganda, avec Thomas Lubanga, avait recruté, enrôlé et utilisé des enfants soldats dans un conflit armé en 2002 et 2003.
Le deuxième mandat d’arrêt, délivré en juillet 2012, l’accusait de crimes contre l’humanité de meurtre, de viol et d’esclavage sexuel et de crimes de guerre de meurtre, d’attaques contre une population civile, de pillage, de viol et d’esclavage sexuel.
Dans une demande de mise en liberté conditionnelle, son avocat Marc Desalliers a nié que M. Ntaganda ait échappé à la justice, indiquant que le commandant de la milice avait plutôt contribué aux efforts de paix, notamment en servant dans l’armée congolaise. Il a également déclaré que la reddition volontaire de M. Ntaganda montrait qu’il était prêt à coopérer avec la Cour. De plus, M. Desalliers a soutenu dans une demande du 20 août 2013 que M. Ntaganda n’avait ni de passeport ni d’autres documents de voyage et qu’à ce titre il devait rester sur le territoire des Pays-Bas si la Cour le libérait.
La juge Trendafilova a toutefois rejeté ces arguments. Dans une décision du 18 novembre 2013, elle a souligné que malgré l’émission de deux mandats d’arrêt à son encontre, pendant plus de six ans M. Ntaganda n’avait pas choisi de se présenter devant la justice mais avait plutôt évité d’être appréhendé « en ignorant totalement les graves accusations portées contre lui ».
Elle a ajouté, « Sa capacité antérieure à s’échapper sur de longues périodes jusqu’au moment de son choix, souligne sa motivation à fuir lorsque les circonstances le permettent ».
Selon la juge, le fait que M. Ntaganda se soit rendu à la Cour n’était pas suffisant pour justifier sa libération. La détermination du juge a été plutôt de prendre en compte les circonstances de la reddition volontaire de M. Ntaganda, notamment son opportunité et la manière dont elle s’était déroulée.
« L’élément de preuve ou le document présenté au juge unique suggère que la reddition volontaire de M. Ntaganda est due à la probabilité d’être tué ou à la pression qu’a exercé sur lui le gouvernement rwandais », a affirmé le juge.
Elle a expliqué que M. Ntaganda avait perdu l’appui du gouvernement rwandais et que sa faction du groupe rebelle M23 était en fuite et sans munition. Le juge a indiqué que, de plus, il y avait une rumeur que la faction victorieuse du M23 avait ordonné que M. Ntaganda soit tué. En outre, le gouvernement congolais avait ordonné l’arrestation de M. Ntaganda.
La juge Trendafilova a précisé que les charges auxquelles M. Ntaganda devait répondre étaient si nombreuses et graves qu’elles pourraient donner lieu à une peine globale plus sévère. M. Lubanga, son co-accusé, a été reconnu l’année dernière coupable du recrutement, de l’enrôlement et de la conscription d’enfants dans un conflit armé et a été condamné à une peine de prison de 14 ans.
« La simple prise de conscience de la sentence par M. Ntaganda qui s’est imposée dans l’affaire presque similaire de Thomas Lubanga a augmenté la possibilité de sa fuite », a déclaré le juge.
La juge Trendafilova a rejeté l’assertion de la défense selon laquelle le risque de fuite était faible étant donné que l’accusé était visé par des sanctions des Nations Unies, notamment une interdiction de voyager et un gel de ses avoirs. Elle a indiqué que des informations indiquaient que M. Ntaganda s’était rendu par deux fois au Rwanda en 2011 malgré l’existence d’une interdiction de voyager. Il est donc possible qu’il puisse par conséquent sortir des Pays-Bas s’il était libéré par la Cour. Les Pays-Bas ont rejeté la demande de M. Ntaganda d’être libéré sur son territoire.
Le juge a également déterminé que M. Ntaganda avait les moyens financiers de fuir. Elle a fait remarquer que le groupe M23 avait perpétré un large pillage de la ville congolaise de Goma en novembre 2012 pour une valeur estimée à 3 millions de dollars américains. Le groupe aurait également collecté une moyenne de 180 000 dollars américains de taxes par mois aux postes de contrôle. La juge a déclaré que, de plus, des sources indiquaient que M. Ntaganda possédait une station à essence, une usine de farine dans le centre de Goma, dirigée par sa femme, un hôtel au même endroit et plusieurs comptes en banque au Rwanda au nom de sa femme.
Enfin, la juge a souligné que l’identité de plus de 30 témoins avait été divulguée à M. Ntaganda et que, étant donné « l’historique documenté de sa violence » et la gravité des charges retenues à son encontre, « on ne peut exclure la possibilité qu’il influence, menace ou intimide des témoins et des victimes et/ou des membres de leur famille.
L’audience de confirmation des charges de M. Ntaganda est programmée en février 2014.
je suis contant du rejet par la cour de la demande de Lubanga.
Commentaire par sedar — 21 Octobre 2015 @ 08:50