Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a nié avoir dissimulé des informations à décharge à la défense de M. Lubanga, qui a été condamné en 2012 pour utilisation d’enfants soldats.
Dans une demande du 31 janvier 2014, Fatou Bensouda a demandé aux juges de rejeter une requête de la défense visant à ajouter aux motifs d’appel de M. Lubanga le défaut de divulgation présumé de l’accusation.
En décembre dernier, l’avocat de la défense Catherine Mabille a indiqué que, bien que les procureurs aient eu depuis 2004 en leur possession les deux documents contenant les noms et les photographies des membres de la garde personnelle de M. Lubanga, ils ne les avaient communiqués à la défense qu’en décembre 2013.
M. Lubanga souhaite que les deux documents, ainsi que les correspondances échangées entre la défense et l’accusation concernant leur divulgation, soient considérés comme des preuves additionnelles ainsi qu’un nouveau motif pour ses appels de la condamnation et de la peine de prison de 14 ans prononcées à son encontre en juillet 2012.
Ses avocats ont affirmé que cet élément de preuve confirmait leurs affirmations de violation par les procureurs de leur devoir d’enquêter et d’honorer leurs obligations de divulgation ainsi que les erreurs de fait présumées concernant l’âge des soldats de la garde présidentielle de l’Union des patriotes congolais (UPC) dirigée par M. Lubanga.
Mme Bensouda a toutefois précisé que, bien que l’accusation ait conclu que les deux documents étaient à charge, ils ne faisaient pas partie des documents devant être divulgués car l’accusation n’avait pas l’intention de les utiliser comme élément de preuve dans le procès.
Elle a déclaré que les informations contenues dans les documents étaient connues de M. Lubanga. L’accusation a indiqué qu’elle ne connaissait ni l’auteur des documents ni quand ils avaient été rédigés.
Les procureurs ont divulgué les deux documents en décembre dernier dans l’affaire Bosco Ntaganda et par la suite dans leurs échanges par e-mail avec la défense de M. Lubanga et M. Ntaganda.
M. Ntaganda serait l’adjoint présumé du sous-chef d’état-major de la branche armée de l’UPC. Alors que les deux congolais ont été accusés conjointement en 2006, M. Ntaganda ne s’est rendu à la Cour qu’en mars dernier. Les audiences de confirmation des charges du procès Ntaganda débuteront la semaine prochaine.
Le procureur a fait valoir que l’appel d’une condamnation n’était pas destiné à autoriser la réouverture de la phase de présentation des éléments de preuve dans un procès ou à permettre une admission libérale à la phase d’appel d’éléments de preuve relatifs au bien-fondé de l’affaire. Elle a déclaré que l’admission d’un élément de preuve additionnel dépendait de l’indisponibilité de la preuve au procès et de sa qualité spécifique.
Mme Bensouda a indiqué que l’accusation avait obtenu les deux documents en 2004 sous des conditions de confidentialité et qu’une demande de lever ces conditions avait été refusée en janvier 2008. L’accusation n’avait pu, par conséquent, s’appuyer sur ces documents lors du procès et ne l’avait pas estimé nécessaire puisqu’elle appelait des témoins qui pouvaient parler directement de l’âge des enfants enrôlés dans la garde présidentielle.
Une nouvelle demande pour lever les conditions avait été faite en juin dernier dans l’affaire Ntaganda et les conditions avaient été levées en août. Mme Bensouda a déclaré que l’accusation avait divulgué les documents à la défense de M. Ntaganda puisqu’ils renfermaient des informations ayant une capacité d’incrimination et que l’accusation avait souhaité s’appuyer sur ces documents à la phase de confirmation ainsi qu’à la phase du procès.
L’accusation avait également souligné qu’elle n’avait pas d’obligation de communiquer tous les documents en sa possession. Elle a ajouté que, bien que la Statut de Rome oblige l’accusation d’enquêter sur les circonstances atténuantes, cette disposition ne devait pas être interprétée comme exigeant que l’accusation assume les fonctions d’avocat de la défense.
L’article 67(2) impose que l’accusation divulgue « les éléments de preuve en possession ou sous contrôle du procureur dont il estime qu’ils démontrent ou tendent à démontrer l’innocence de l’accusé ou à réduire la culpabilité de l’accusé ou qui affecte la crédibilité des preuves de l’accusation ».
Entretemps, le procureur a fait remarquer que la règle 77 exigeait que la divulgation des informations qui étaient « des documents pour la préparation de la défense ou qui étaient destinés à être utilisés en tant que preuve lors de l’audience de confirmation ou lors du procès […] ou qui étaient obtenus auprès de la personne ».
Mme Bensouda a indiqué que, contrairement aux allégations de la défense, les documents ne montraient pas que les juges de première instance avaient commis une erreur en déterminant que les soldats de la garde présidentielle avaient moins de 15 ans.
Dans leur ordonnance du 13 janvier accédant à la demande de l’accusation d’ajouter des motifs d’appel pour M. Lubanga, les juges avaient décidé que la non divulgation de documents potentiellement pertinents pour la détermination de l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans la garde présidentielle de l’UPC, visait à « remettre en cause la fiabilité d’une partie considérable des conclusions sur lesquelles la condamnation de M. Lubanga était fondée ».
C’est dans cette décision que les procureurs et les avocats des victimes ont été intimés à déposer des réponses à la demande de la défense.