La Présidence de la Cour pénale internationale (CPI) a rejeté une demande de la défense de récuser la juge Silvia Fernández de Gurmendi pour qu’elle ne préside pas la commission qui réexaminera prochainement la peine de prison de Thomas Lubanga. La majorité d’une commission plénière de 15 juges a conclu que les fonctions que la juge Fernández avait occupé précédemment dans le Bureau du Procureur (BdP) étaient « sans rapport » avec la procédure déterminant si la peine de prison de 14 ans de M. Lubanga pouvait être réduite.
Dans une décision du 3 août 2015, les juges avaient décidé que les fonctions exercées par la juge Fernández lorsqu’elle était employée par le BdP semblaient être stratégiques, de haut niveau et « relativement éloignées » des détails de l’affaire de M. Lubanga. « Il peut y avoir des circonstances dans lesquelles les fonctions de la juge Fernández au sein de BdP peuvent susciter un doute raisonnable quant à son impartialité mais le demandeur a omis de fournir de preuves concrètes de ces circonstances », ont décidé les juges.
En mars 2012, M. Lubanga est devenu la première personne à être condamnée par la CPI. Il a été déclaré coupable de conscription et d’utilisation d’enfants soldats afin qu’ils participent activement à des combats lors d’un conflit ethnique qui a eu lieu au Congo en 2002 et 2003. Le mois dernier, l’ancien président de l’Union des patriotes congolais et de sa branche armée, dénommée Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), avait purgé les deux tiers de sa peine. Une audience pour déterminer si sa peine doit être réduite, conformément à l’article 110 du Statut de Rome, est prévue pour le 21 août.
Le 15 juin, les avocats de M. Lubanga ont déposé une demande pour la récusation de la juge Fernández de la commission réexaminant la peine, citant son poste antérieur au BdP qui, selon eux, « mettait manifestement en doute son impartialité ». La défense a souligné, en particulier, les postes occupés par la juge Fernández en tant que conseiller spécial et chef de cabinet de l’ancien procureur Luis Moreno-Ocampo entre 2003 et 2006, lorsqu’elle était impliquée dans la demande de mandat d’arrêt à l’encontre de M. Lubanga et dans l’audience de confirmation des charges.
Cependant, selon l’accusation, « un observateur raisonnable et bien informé » ne trouverait pas la juge partiale. Le procureur Fatou Bensouda a estimé, dans une réponse du 3 juillet 2015, que le seuil pour récuser un juge ne devrait pas être interprété pour inclure toutes les procédures qui se tiennent devant la Cour concernant un accusé ou une personne condamnée. « Un juge qui a participé à un aspect d’une procédure pénale principale ne devrait pas nécessairement être en opposition lorsqu’il examine la peine d’une personne condamnée », a soutenu le procureur.
Elle a affirmé que l’examen de la peine était « de nature et de finalité restreintes », sans rapport avec le fond de l’affaire qui a déjà été jugée. Le procureur a également déclaré que la juge Fernández n’avait jamais été directement responsable de l’instruction ou des poursuites engagées à l’encontre de M. Lubanga.
Dans des observations écrites adressées à la commission plénière, la juge Fernández a déclaré que, depuis qu’elle avait été nommée juge, elle avait « systématiquement » évité d’être impliquée dans des procédures judiciaires liées à une affaire dont les enquêtes avaient commencé ou étaient menées lorsqu’elle travaillait pour le BdP. La juge a estimé que « la nature distincte » du réexamen de la peine ne justifiait pas une demande de décharge à son encontre car il « traitait de la réduction d’une peine déjà imposée et impliquait que l’on prenne en compte les circonstances survenues après la culpabilité d’une personne ainsi que la peine correspondante qui a été déjà prononcée par la Chambre de première instance et tranchée par la Chambre d’appel ».
Puisque le réexamen de la peine prends en compte le temps qui s’est écoulé depuis le prononcé de la peine et toute nouvelle circonstance qui a pu survenir entretemps, la juge Fernández ne voit pas comment des décisions ou déterminations qu’elles a prises au BdP pouvaient « influencer » son évaluation de facteurs spécifiques qu’elle doit prendre en considération lors du réexamen.
Deux juges de la commission étaient toutefois en faveur de la demande de récusation déposée par la défense. Ces juges ont souligné qu’il s’agissait d’un cas de partialité « apparente, non réelle » et qu’une approche prudente pour la juge Fernández serait de se retirer « afin de protéger » la procédure judiciaire de l’accusation de partialité. Les deux juges étaient, en particulier, préoccupés par le fait que les postes antérieurs de la juge Fernández au sein du BdP « puissent avoir un rapport » avec un des facteurs qui soient pris en compte par la commission de réexamen de la peine : La volonté de M. Lubanga, dès le début et de façon continue, de coopérer avec la Cour dans les enquêtes et poursuites de celle-ci.
Quatre juges se sont abstenus de rendre une décision étant donné un manque d’informations qui « pourrait les empêcher de formuler une position distincte » sur la demande de la défense.