La semaine prochaine, Thomas Lubanga, le premier condamné de la Cour pénale internationale qui a passé le plus de temps dans le centre de détention de la CPI, aura purgé sa peine de prison de 14 ans. Une fois libéré, M. Lubanga devrait s’installer en République démocratique du Congo (RDC) mais on ignore s’il retournera immédiatement dans son district natal, l’Ituri.
En 2017, M. Lubanga a déclaré que, s’il était libéré, il avait l’intention d’entreprendre des études de doctorat à l’Université de Kisangani, située à 800 km de l’Ituri, sur les causes du conflit survenu dans sa zone natale et qu’il espérait que ses recherches contribueront à la consolidation de la paix dans ce pays en proie à des troubles.
M. Lubanga a été transféré au centre de détention de la CPI le 16 mars 2006. Il a ensuite été jugé et condamné pour la conscription, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans un conflit armé. Il a commis ces crimes lorsqu’il était le président de l’Union des patriotes congolais (UPC) et le commandant en chef de sa branche armé, les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). Bosco Ntaganda, qui a été chef adjoint de l’état-major des FPLC, a été reconnu coupable, l’année dernière, de 18 chefs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité et s’est vu infliger une peine de prison de 30 ans.
Fadi El Abdallah, le porte-parole de la Cour, a confirmé en début de semaine à International Justice Monitor que M. Lubanga aura purgé sa peine le 15 mars et « qu’il sera donc libéré à moins qu’il y ait des procédures nationales en cours dont nous n’ayons pas connaissance ».
Depuis l’arrestation de M. Lubanga qui date de nombreuses années, l’UPC est devenue un parti politique officiel et certains de ses représentants ont été élus en tant que membres du parlement national. Cependant, une activité politique ne figure pas parmi les projets indiqués par M. Lubanga lorsqu’il serait libéré. Son parti se prépare toutefois à sa libération. Pelé Kaswara, le président du comité politique de l’UPC, a incité les partisans du parti à se préparer à accueillir leur leader et a déclaré qu’une commission avait été mise en place pour se préparer au retour de M. Lubanga.
En novembre 2017, les juges de la CPI Silvia Fernández de Gurmendi, Howard Morrison et Piotr Hofmański avaient refusé de réduire la peine de M. Lubanga après avoir décidé que depuis l’examen initial de la peine, réalisé deux ans auparavant, il n’y avait pas eu de modification significative des circonstances permettant de justifier sa libération anticipée. Les juges ont également déclaré qu’ils ne voyaient aucune raison de prévoir un nouvel examen de la peine de M. Lubanga, étant donné qu’elle expirait le 15 mars 2020. L’article 110 de la loi fondatrice de la Cour, le Statut de Rome, prévoit un examen de la peine lorsqu’une personne condamnée a purgé les deux-tiers de sa peine.
Lors du premier examen qui s’est tenu en septembre 2015, les juges ont décidé de ne pas diminuer la peine de M. Lubanga après avoir conclu qu’il n’y avait aucun critère en faveur d’une libération anticipée. Ils n’ont trouvé aucune preuve indiquant qu’il avait sincèrement désavoué ses crimes et ont également conclu que M. Lubanga n’avait entrepris aucune action significative au profit des victimes de ses crimes. Dans le second examen de la décision, les juges ont conclu qu’il n’y avait aucun changement dans la coopération de M. Lubanga ou dans ses actions au bénéfice des victimes.
En vertu de la règle 223 du Règlement de procédure et de preuve de la Cour, les facteurs que les juges prennent en compte lors de leur examen de la peine comprennent « la conduite de la personne condamnée en détention qui montre que l’intéressé désavoue son crime ». Ils évaluent également les possibilités de resocialisation et de réinsertion réussie de la personne condamnée.
Lors du premier et du second examen de la peine, M. Lubanga remplissait certains des critères appuyant une libération anticipée. Les deux examens ont conclu que, s’il était libéré, il existait des possibilités de resocialisation et de réinsertion réussie lorsqu’il sera rentré chez lui. De plus, les deux examens ont déterminé que rien n’indiquait que la libération anticipée de M. Lubanga donnerait lieu à une importante instabilité sociale.
En décembre 2015, M. Lubanga et un autre ancien chef de milice au Congo, Germain Katanga, ont été transférés en RDC pour purger le reste de leur peine sentence dans la prison de Makala située dans leur pays natal. Un mois plus tôt, la peine de prison de 12 ans de M. Katanga a été réduite à trois ans et huit mois en raison de sa bonne conduite, de sa coopération avec la Cour et du fait qu’il a « réellement désavoué ses crimes », ce qui signifie que sa peine s’est terminée le 18 janvier 2016. Cependant, M. Katanga reste détenu dans la prison de Makala puisque les autorités militaires congolaises ont engagé des poursuites distinctes, qui ont été approuvés par la Présidence de la CPI.
Lors du premier examen réalisé en octobre 2015, M. Lubanga a imploré les juges de lui accorder une libération anticipée, promettant de promouvoir la réconciliation et présentant « de sincères excuses à toutes les victimes pour les souffrances qu’elles ont traversé ». Il a indiqué que ses actions à la tête de l’Union des patriotes congolais et de sa branche armée, les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), en 2002 et 2003, visaient à diminuer les « souffrances de la communauté » et il a regretté qu’elles n’aient pas été suffisantes pour mettre un terme au conflit ethnique de l’époque.
À l’époque, M. Lubanga a soutenu qu’il n’avait pas l’intention de retourner en Ituri mais avait prévu de suivre des études de doctorat à l’université de Kisangani, située à 800 km de là, afin de comprendre les facteurs psycho-sociologiques déterminants dans les conflits, notamment en isolant les stéréotypes et les préjugés qui ont contribué aux conflits intertribaux. Il espère que ces études aideront l’Ituri et les autres parties de la RDC à gérer les enjeux connexes qui ont causé le conflit.
Avant 2000, lorsque les combats faisaient rage dans sa ville natale de Bunia, M. Lubanga a poursuivi ses activités de vente de haricots sur le marché local. Mais lorsqu’une milice s’est formée pour protéger sa communauté ethnique Hema contre les voisins hostiles, le diplômé en psychologie de l’Université de Kisangani, instruit et éloquent, a été choisi comme porte-parole et, peu de temps après, il est devenu président de l’UPC.
Durant le procès, M. Lubanga a minimisé son rôle au sein de la branche armée de l’UPC mais les témoignages de l’accusation ont démontré qu’il était en réalité le commandant en chef de l’entité qui avait commis de graves crimes et qu’il avait joué un rôle dans le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats.